Au début du mois de juin, Pascale et moi avons fait indépendamment la même découverte au jardin potager. Elle a réussi à poser un petit elfe étrange sur le doigt d’une main et de le photographier de l’autre.
Pour ma part, j’ai été fascinée par ce petit être ailé et duveteux qui ressemblait à s’y méprendre à un flocon de neige porté par une brise légère. Mais toutes deux nous nous sommes posé la même question. :. Quelle est donc cette minuscule bestiole : papillon ? insecte ?
Pascale a trouvé la clef de l’énigme : c’est un puceron ! Précisément le puceron laineux du hêtre – Phyllaphis fagi.
Mais pourquoi voleter au jardin, déguisé en flocon ailé alors que ses congénères, dépourvus d’ailes et sédentaires, se pressent côte à côte en grands troupeaux, siphonnant la sève du hêtre ?
Le cycle de vie du puceron est d’une complexité extrême. Au cours d’une même saison, plusieurs générations se succèdent, le puceron est tantôt ovipare ou vivipare, tantôt mâle, tantôt femelle, tantôt ailé ou aptère. Bref, c’est à en donner le tournis et je ne me risque pas ici à détailler.
Sachez que ces femelles ailées sont des fondatrices, chargées d’une mission vitale pour l’espèce car il arrive un moment où la surpopulation menace la survie de la colonie. La plante hôte s’épuise et dépérit à force d’être ponctionnée de son fluide nourricier. La colonie produit alors une génération de femelles ailées qui partent à l’aventure à la recherche d’un autre hêtre, terre vierge à coloniser. C’est précisément au mois de juin que cette exploration se produit.
La seconde particularité du puceron laineux du hêtre est d’être recouvert d’un épais duvet blanc-bleuâtre, d’où son nom de « laineux ». Où va-t-il dénicher son costume ? Mais tout simplement il le fabrique lui-même. Deux rangées d’appendices situés de part et d’autre de l’abdomen secrètent ces fins filaments de cire qui lui donnent un aspect floconneux.
Vu du point de vue de l’homme, les pucerons sont certes de redoutables ravageurs et la végétation a bien besoin de la collaboration des coccinelles, larves de syrphes et autres oiseaux insectivores pour limiter les dégâts, particulièrement dommageables aux jeunes arbres.
Il n’empêche, la rencontre fugitive de ce lutin m’a procuré un moment de grâce et de poésie.
Hélène Havaux, guide-nature
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